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La fin des temps

l était une fois un homme qui avait la langue bien pendue. On disait de lui qu’il se mêlait de choses qui ne le regardaient pas, que c’était un donneur de leçons, en bref il s’était rendu insupportable à son entourage. Celui-ci décida de s’en séparer. Certains de ses proches connaissaient des trafiquants de main-d’œuvre. Il fut vendu à ces gens, charge à eux de le revendre le plus loin possible. Ce fut le responsable du harem d’un grand roi qui l’acheta comme esclave. Cet esclave, appelons-le Joseph, comprenant qu’il était piégé, décida de jouer le jeu. Il utilisa son agilité intellectuelle pour se faire une place dans la société de ce pays. Le roi, reconnaissant ses mérites, l’établit. Joseph fonda une famille, eut des enfants qui eurent des enfants et ainsi de suite pendant longtemps. Les descendants de Joseph formèrent un peuple nombreux, à l’intérieur du peuple originaire de ce pays.

Un jour le roi changea, et celui-là n’avait jamais entendu parler de Joseph et donc ne lui devait rien. Quelque temps après, le nouveau pouvoir entreprit de grands travaux. Il lui fallait de la main-d’œuvre, nombreuse et à bas prix. Les chantiers s’ouvrirent et,

Un jour, une femme qui travaillait aux cuisines du chantier devint enceinte. Elle accoucha clandestinement ; ne pouvant garder l’enfant, elle l’abandonna. Une femme du pays, d’une famille aisée, qui ne pouvait avoir d’enfant, le trouva par chance, l’amena chez elle, et l’éleva comme son fils. Bientôt, l’enfant devenu jeune homme se rendit compte du dédain qu’il provoquait dans son entourage. Prenant conscience de ses origines, il alla visiter ceux qui pouvaient lui ressembler. Ce fut un choc. L’injustice faite à ceux qu’il considérait comme sa famille d’origine le révolta. Eux ne l’avaient pas attendu. Les grèves avaient succédé aux grèves. Certains étaient même allés jusqu’au terrorisme. Les riches du pays étaient menacés dans leurs familles. Le jeune homme commença à faire de la propagande pour sortir ses frères et sœurs de cette situation. Comme il avait appris beaucoup de choses à l’école, il fut écouté. De fait, c’était un intellectuel. Devant les troubles qui résultaient de cette agitation, le pouvoir dut prendre une décision. Il ne pouvait se défaire brutalement de ces gens, un peu de répression ça va, beaucoup ça fait mauvais genre et cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur les autres chantiers qui naissaient dans tout le pays.

Le leader des travailleurs fut convoqué et on lui mit dans les mains le marché suivant : soit on vous casse quel que soit le prix qu’il faudra payer, soit vous partez clandestinement, de préférence la nuit, et on ferme les yeux. Issu du monde du pouvoir, sachant ce dont ses représentants étaient capables, le jeune homme fit son choix. Il demanda un délai pour présenter la chose à ses amis. Il le fit en ces termes : « Il faut partir, les choses ne s’amélioreront pas, au contraire. Si nous partons, nous pourrons reconstruire ailleurs une société meilleure où nous vivrons en paix. Une société où il n’y aura pas de pouvoir central, pas d’impôts, pas d’armée, pas de travaux forcés et pas de police. »

Ils tombèrent tous d’accord, et une nuit, s’étant chargé chacun d’un baluchon, d’un peu de pain qui dans la précipitation n’avait pas eu le temps de lever, ils fuirent. Si le pouvoir central ferma les yeux, la police des chantiers ne suivit pas cet exemple. Elle courut après eux pour les rattraper. Il y eut bataille. Poussés par le désespoir, hommes et femmes se battirent et défirent cette police qui au fond n’était capable que de battre des hommes sans défense. Et la fuite commença ; un long exode eut lieu vers une nouvelle société où couleraient le lait et le miel. Et un jour la terre promise fut atteinte et ce fut le début de notre histoire [1]


[1] On peut lire une autre version de cette histoire dans la Bible, Genèse 37, Exode 1 à 14.L’historicité de cette histoire n’a pas beaucoup d’importance. Il faut cependant reconnaître la place déterminante qu’elle tient dans l’imaginaire chrétien et particulièrement protestant. La promesse de la terre promise sous-tend la revendication d’une meilleure comme les gens du cru n’étaient pas très chauds pour se salir les mains, ce furent les immigrés de la deuxième ou de la troisième génération qui se présentèrent. Acceptés, ils se mirent au travail. Il fallut de plus en plus de main- d’œuvre, le travail était de plus en plus dur, les mauvais traitements prirent de plus en plus d’ampleur. Devant le risque de fuite de ces ouvriers, le ministre du moment décida de transformer cette population en esclaves.