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Boko Haram, Goodluck Jonathan et autres business

Il fallait donc que deux cent jeunes filles soient enlevées par des hommes armés pour que la bonne conscience occidentale se réveille ? Si ces jeunes filles avaient été musulmanes le résultat aurait il été pareil ? Peu probable. Car tout cela se passe au Nigéria qui bénéficie d’une place particulière dans notre monde globalisé.

Mon pétrole au Nigeria

Rentrons tout de suite dans le sujet. Les prochaines élections présidentielles dans ce pays auront lieu le 14 Février 2015. Pour ce faire réélire, l’actuel président, Goodluck Jonathan a besoin d’argent. Il suffit pour cela de détourner la vente du pétrole dans la poche de ses proches. C’est ce qu’il va faire au début avril. C’est l’agence Reuters qui mange le morceau le 22 avril. Le pouvoir nigérian a attribué les droits de vendre le pétrole produit dans ce pays à des compagnies locales. Le montant de ce commerce est évalué à environ 40 milliard de dollars par an. On peut se poser la question de savoir comment vont réagir les géants pétroliers ; la Shell, Exon ou Total , qui vont voir cet argent leur filer entre les doigts. Dans ce contexte cette affaire d’enlèvement d’écolières, le 14 avril, arrive au bon moment . Cela détourne l’attention et explique l’attentisme du président qui ne réagit que le 8 mai en annonçant la fin du terrorisme au Nigéria !

Le terrorisme et la terreur

L’insécurité est endémique au Nigeria. La piraterie dans le golfe de Guinée est permanente. Ce n’est pas très surprenant car les Majors pétrolières ont fait tout ce qu’il fallait pour empêcher les pêcheurs locaux de travailler. Ceux-ci, comme en Somalie, se sont reconvertis dans des activités plus risquées mais plus payantes. Il semble que nombre de marins les aient rejoint. Il est nécessaire de citer l’excellent travail de l’Office des Nations unis contre la drogue et le crime . « La moitié de la population de l’Afrique de l’Ouest vit au Nigéria, et le pays fournit plus de 50 % du PIB de la région. Les produits pétroliers sont à l’origine de 95 % des recettes en devises étrangères du pays et de 80 % de ses recettes budgétaires. L’industrie pétrolière, qui constitue le premier secteur d’activité de la région, est menacée depuis vingt ans par la criminalité transnationale organisée. Malgré des recettes pétrolières s’établissant à 52 milliards de dollars US en 2011, le Nigéria demeure un des pays les plus pauvres de la planète et se classe en 156ème position, sur 187 pays, du point de vue du développement humain. Les revenus du pays seraient beaucoup plus élevés si l’industrie pétrolière ne subissait en permanence les attaques de groupes criminels ». Que cet Office ne fasse pas le lien entre la pauvreté et la richesse est assez étonnant. Pour ceux qui seraient intéressés je ne peux que leur conseiller d’aller le lire sur le site web de cet Office, ce rapport est passionnant. Mais rien n’est il fait pour lutter contre cette situation ? Si, bien sur ! Un tas d’argent est dépensé. Dans Libération du 13 mai 2014 un spécialiste avance un chiffre. Selon lui 23% du budget (29 milliard de dollars) de l’Etat nigérian est affecté à la lutte anti terroriste. Il ajoute, avec regrets semble t il, que la police et l’armée sont mal équipés ou pas du tout. Les généraux en charge se goinfrant dans la capitale. Pourquoi voulez vous que cela change ?

Et Boko Haram ?

C’est le produit d’une grande pauvreté, si ce n’est misère, dans le nord du pays où ce groupe sévit. Une insécurité permanente produite par des forces de l’ordre sous-payée qui se servent sur la bête. A cela se rajoute la division entre les chrétiens et les musulmans. Le nord l’est fortement alors que le sud est essentiellement chrétien. L’élection contestée de Goodluck Jonathan, chrétien du sud, a fait grandir les rancœurs contre cette partie du pays bien plus riche. Pour couronner le tout les Etats du nord du pays ont imposé la Charia. A cela il faut ajouter la difficulté de se marier pour les jeunes hommes. Le montant attendu de la dot est trop élevé. Le magazine Jeune Afrique rapporte ceci : « Ismail Ibrahim, enseignant célibataire âgé de 25 ans, n’a pas les moyens de se marier en raison de la dot. A Kano, son montant varie traditionnellement de 10. 000 à 20. 000 nairas (63 à 126 dollars) ». Tous les ingrédients sont là. Pauvreté, religion exacerbée, des armes en nombre et des femmes potentiellement rassemblées dans une école, tout est là pour faire un grand coup médiatique. Cela a marché.

Ce ne sont pas seulement deux centaines de jeunes filles qui sont prises en otages, c’est tout un peuple qui l’est. 42 % de la production pétrolière nigériane va aux USA, cela vaut le coup de fermer les yeux !
Pierre Sommermeyer