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Des armes et du riz
ML juin 2009

Tous les yeux sont tournés vers le centre de la Chine. Un tremblement de terre effroyable, près d’une centaine de milliers de victimes, bien plus de personnes sans abris ont pris la place du Tibet dans la machine médiatique mondiale. Il ne s’agit pas ici de minorer cette catastrophe, même si nous ne sommes pas dupes de « l’ouverture » du pouvoir chinois quand à sa communication sur ce séisme. Nous allons dans les lignes ci-dessous continuer à nous intéresser aux manifestations de l’intérêt de Pékin pour l’Afrique.


Des armes pour Mugabe

Le 18 avril nous avons reçu, via a-infos un communiqué de nos camarades sud-africains, le Zabalaza Anarchist Communist Front dénonçant l’arrivée dans un port de leur pays d’un cargo chinois au chargement surprenant. Il contenait trois millions de cartouches de kalachnikov, 3500 mortiers et lance-grenades, 1500 grenades pour lance-grenades d’une valeur de 9,88 millions de Rands (environ 1.2 millions d’Euros).

Ce groupe sud –africain saluait et approuvait « la décision de la South African Transport and Allied Workers Union de refuser que leurs travailleurs déchargent ou transportent les envois d’armes de la Chine à destination du Zimbabwe ». Pour eux il s’agissait d’ « un signe très encourageant de solidarité de la classe ouvrière et d’internationalisme », ils espéraient « que de telles actions empêcheront ces armes d’atteindre leur destination, l’armée zimbabwéenne. »

Les journaux nous tiennent presque quotidiennement au courant de ce qui se passe au Zimbabwe où un dictateur vieillissant, tente par tous les moyens d’empêcher une opposition très sage d’accéder au pouvoir. Des élections mouvementées ne peuvent que déboucher sur un échec de Robert Mugabe. Ce dictateur « père de l’indépendance » est au pouvoir depuis 28 ans. Pour le Zabalaza Anarchist Communist Front « une nouvelle menace est apparue sous la forme de cet envoi d’armes chinoises, dont des lanceurs de grenades, des munitions de Kalachnikovs et des mortiers, nous craignons, non sans justification que ces armes seront utilisées pour écraser les forces démocratiques au Zimbabwe et pourraient mener directement au massacre de milliers de Zimbabwéens. ». Ces camarades continuent en disant : « Aussi, à présent que nous avons pris la main dans le sac un envoi d’armes à ce régime, ce régime en agonie, avec le plus haut taux d’inflation du monde et une élite des plus grotesques, nous appelons tous les groupes et individuels progressistes à empêcher de manière pacifique ou par la force, l’envoi d’armes à l’une des plus méprisables dictatures du monde ».

On sait aujourd’hui que cette tentative de transbordement à échoué. Le An Yue Jiang, bateau appartenant à la compagnie paraétatique chinoise « Ocean Shipping Company » a du faire machine arrière. L’action syndicale a été décisive en Afrique du sud. La Chine devant l’opposition tardive mais résolue des USA a renoncé à un déchargement dans un autre pays. Cet événement montre que si le pouvoir de Pékin joue franc jeu avec les autorités africaines en place sans s’inquiéter plus que ça de leur pratique politique, il n’hésite pas non plus à reculer quand c’est nécessaire.

Du riz pour les Chinois

On ne peut pas accuser la Chine de se limiter à des investissements financiers, militaires ou immobiliers en Afrique. Ses intérêts sont fort divers et pragmatiques. Dans un précédent article j’avais indiqué que « si la Chine représente un cinquième de la population mondiale, elle ne dispose que de 0,094 hectare de terre arable par personne, contre 0,25 hectare pour le reste du monde. Il lui faut trouver d’autres sources d’approvisionnement de nourriture ». C’est dans ce cadre là que l’on apprend dans Libération du 10 mai 2008 que le groupe agricole chinois Chongqing Seed Corp « va cultiver du riz en Tanzanie, dans le cadre de la diversification des sources de production ». 300 hectares de terrain ont été achetés à cette occasion. La Chine avait fait part de cette intention lors d’un sommet africain en 2006. elle parlait alors de la création de 10 zones agricoles. On en serait aujourd’hui à 14 endroits envisagés, 10 000 hectares de terrain seraient occupés par la même entreprise au Cameroun.

Les choses deviennent encore plus intéressantes en lisant plus loin cette dépêche. On y apprend qu’une dizaine de techniciens seront envoyés pour cela. La question que l’on peut se poser maintenant est de savoir de quel sorte de riz il s’agit. Pendant que l’on fauche du maïs OGM dans notre doux pays, la Chine, sans aucune opposition, plante du riz génétiquement modifié en Afrique pour satisfaire ses besoins. Il faut rappeler une des caractéristiques de ce genre de produit : le grain récolté n’est pas réutilisable comme semence. Il transforme les paysans qui l’utilisent en prestataires de service. Plus que de savoir s’il y a risque de contamination, là est le véritable scandale.

Alors des armes ou du riz, au fond il n’y a plus de véritable différence, ce ne sont que deux formes de guerres en train de se livrer.

Pierre Sommermeyer