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Le minerai, l’Inde, et les maoïstes
ML 2010

Le Monde libertaire avait publié dans un numéro spécial un article d’Arundhati Roy, une des plus célèbres des militants des droits civiques en Inde, qui y décrivait comment son pays se colonisait lui-même. Voici le début de son article de novembre 2009 où elle aborde la guerre pour la bauxite qui vient de débuter au coeur du sous-continent indien.

La fringale du minerai

« Les basses collines de l’Orissa du sud, avec leurs sommets aplatis ont été le foyer des Dongria Kondh bien avant qu’il existe un pays portant le nom d’Inde ou un Etat celui d’Orissa. Ces collines protégeaient les Kondh et les Kondh les vénéraient comme des divinités vivantes. Aujourd’hui ces collines ont été vendues, elles contiennent de la bauxite. Pour les Kondh c’est comme si dieu lui-même avait été vendu. Ils se demandent comment cela se passerait si ce dieu avait été Ram, Allah ou Jésus Christ.

Peut être les Kondh devraient- ils être reconnaissants que leurs collines de Nyamgiri, où habite leur Niyam Rajah, Dieu de la loi universelle, aient été vendues à une entreprise qui porte le nom de Vedanta (la branche de la religion hindoue qui enseigne la valeur absolue du savoir). Il s’agit de l’une des plus grandes corporations minières du monde, elle appartient au multimilliardaire indien Anil Agarwal qui vit à Londres dans un palais qui jadis appartint au Shah d’Iran. Vedant n’est qu’une des nombreuses multinationale implantée en Orissa ».

Cet Etat est situé en bordure du golfe du Bengale au nord-est de l’Inde. Les Dongria Kondh sont un des peuples premiers vivant dans les restes de forêts primaires de cet État. Dongria signifie peuple des collines dans leur langue. Il est inutile de rappeler que la bauxite est le minerai de base de l’aluminium. La production indienne est passée de 10 millions de tonnes à 13 millions en 3 ans, de 2003 à 2006. Mais ce n’est pas suffisant, car l’Inde veut produire plus et plus chaque année, de voitures entre autre. D’autre part la spéculation sur ce minerai fait rage comme pour tous les autres, tablant sur un appétit sans limite de la Chine comme des Indiens. Il suffit de se baisser pour faire de l’argent. Que le sous-sol en question soit propriété d’un peuple autochtone dont les terres et en l’occurrence ces collines soient garanties inaliénables par la Constitution n’est pas gênant. Les Kondh sont armés seulement de flèches et d’arcs. Enfin c’était le cas. Car aujourd’hui ils ont trouvés des alliés qui ont l’habitude de se battre avec de vraies armes, les guérilleros maoïstes.. La misère y est si grande, le système des castes y est si efficace et tellement sans pitié pour ceux qui sont en bas de l’échelle qui ont nom dalits (intouchables) ou adivasi (peuples premiers). La seule issue pour eux semble être la guérilla.

Ce qui tombe bien, car il manquait au pouvoir de Delhi une excuse en béton pour écraser toute velléité de résistance. Aujourd’hui le « danger maoïste » a remplacé le celui des islamistes. Derrière le bruit médiatique le gouvernement a mis sur pied une opération spéciale : Opération Chasse Verte dirigée par l’Hortefeu local.

Mais qui sont ces maoïstes ?

Cela fait longtemps que les marxistes léninistes hantent l’Inde. Ceux- là sont les héritiers des insurgés qui en 1967 attaquèrent un propriétaire terrien dans le village de Naxalbari pour lui prendre son grain et le distribuer aux paysans pauvres. Ils prirent depuis le nom de Naxalites. Aujourd’hui selon Arundhati Roy « peu d’« observateurs extérieurs » ont une expérience directe de la nature réelle du mouvement maoïste dans la forêt. Une interview récente de l’un de leurs principaux leaders, le Camarade Ganapathy dans (Open magazine) n’a pas changé l’opinion de ceux qui considèrent les Maoïstes comme un parti avec une vision totalitaire, qui ne supporte aucune contestation. Son approbation désinvolte de l’action des Tigres du Sri Lanka a suffit à faire frissonner de peur les plus sympathisants… pas seulement à cause de la façon brutale dont le LTTE à choisi de mener sa guerre, mais aussi à cause du cataclysme tragique qui a fondu sur le peuple tamoul du Sri Lanka qu’il prétend représenter et pour lequel il a une responsabilité certaine ».


La soif de l’argent

On a l’excuse, la lutte contre la terreur marxiste et on a aussi le moyen de financer cette guerre qui a déjà commencé. Selon certains experts, il semblerait que la valeur financière des gisements de bauxite en Orissa seule serait de 2.270 milliards de dollars (deux fois le PNB de l’Inde). Estimation faite en 2004. Actualisé, le prix s’élèverait à 4 000 milliards de dollars. Ajoutons à cela la mise en place d’infrastructures monstres pour permettre l’extraction, le transport, la transformation de la bauxite et vous serez d’accord avec moi pour comprendre qu’il n’y aucune raison pour que quelques sauvages s’opposent à ce que l’Inde deviennent un grand pays, un géant et quelques- uns de ses dirigeants un peu plus riches, comme ce monsieur Anil Agarwal qui vit à Londres dans le manoir de l’ancien shah d’Iran.

Pierre Sommermeyer