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La crise continue tout seule
ML mai 2009

Nous sommes abonnés à un feuilleton fantastique. Fabriqué par des réalisateurs innombrables, par des scénaristes connus ou inconnus, il nous tient en haleine quotidiennement. Les épisodes se suivent, plus incroyables les uns que les autres. Ceux qui jouent les premiers rôles ne savent pas combien de temps ils resteront vedettes. Les aventures de la famille Ewing autour de qui tournait l’histoire du feuilleton télé Dallas semblent aujourd’hui d’une gentillesse incroyable. Leur univers qui semblait impitoyable a avoir envahit notre monde en pire. Pour le moment il semble que « la crise » nous évite, au moins médiatiquement. Allons faire un tour là d’où elle est partie.

Ma cabane en Amérique.

Dans un article paru dans le Monde du 22/02/09 une spécialiste des problèmes urbains chiffrait à 10 000 familles par jour le nombre d’expulsions exécutées aux Etats-Unis. Elle estimait le nombre à venir à environ 10 à 12 millions de ménages qui subiront le même sort dans les quatre ans à venir. Quelques jours après les chiffres des pertes de AIG, assureur de 30 millions de personnes, sont publiés : 61 milliards de dollars.

Ma cabane à Dubaï

Le parking de l’aéroport est plein. Selon les gazettes les propriétaires des 3000 voitures qui y sont garées ont fui. Dans cet émirat, la police met en prison ceux qui ne peuvent pas payer leurs dettes. Donc vaut mieux prendre le premier vol pour ailleurs.
Faute de pétrole l’émir du coin a investi dans la pierre de luxe, de grand luxe. Malheureusement la chute des cours entraîne la chute de la pierre même de luxe. Les constructeurs n’ont plus d’argent, les investisseurs non plus.

Ma cabane en Espagne

Avoir un logement sur la côte espagnole, juste un petit studio a été un rêve pour tellement d’Européens. De 2006 à 2008, 800 000 logements sont sortis de terre chaque année. En 2008 il n’y en a eu que 150 000. Conséquence, le nombre de chômeurs a éclaté. Selon certains économistes le chômage devrait toucher en 2009 4 millions de personnes, soit 19% de la population active. Le salaire minimum vient d’être « relevé » à 624 €, le salaire moyen étant autour de 1200 €. Le miracle espagnol est terminé.

Ma cabane en France

Dans notre doux pays il n’y a pas de problème immobilier. Bien sur quelques agences ferment, mais c’est parce qu’elles n’étaient pas saines. Les prix descendent, un peu, mais rien de grave nous annonce la météo immpbilière. Il faut tendre l’oreille pour entendre que le nombre de transactions a chuté de 50% ces derniers mois. Les acheteurs potentiels attendent la baisse, les vendeurs refusent de vendre. Il faut dire qu’entre 1997 et 2008 les prix de l’immobilier ont augmenté d’environ 140%. Alors y aura-t-il une chute ? Certains vont disant qu’il faudrait que les prix de la pierre se mettent en adéquation avec les revenus des ménages. Bon, pourquoi pas ? Si ce n’est le chômage qui se profile à l’horizon. Heureusement la Ministre de l’économie, cette bonne Madame Lagarde vient et revient nous dire que chez nous tout va pour le mieux, que les chômeurs sont moins au chômedu que ceux des autres pays, que nous avons tout prévu, que Zébulon Ier se démène pour que ces vacances forcées soient le plus agréables possible et le plus courtes aussi. Ce ne serait en fin de compte qu’une avance sur congés payés. Si comme moi, vous avez entendu les derniers chiffres des vacanciers forcés, nul chiffre, nulle part, des chômeurs partiels. Donc nous pouvons conclure que lorsque les prix de l’immobilier arriveront à adéquation avec les revenus, ils auront sacrément baissés.

Quelques chiffres :

Passons aux choses sérieuses, un peu de macro-économie. Dans l’article, cité plus haut, bien des chiffres sont donnés. Si l’on part de l’idée qu’ils sont probables nous sommes mal partis. En voilà quelques uns : le montant des défaillances de crédits aux U.S. dépasserait les Produits Intérieurs Brut cumulés de tous les pays, c’est-à-dire 62 000 milliards de dollars ; le montant réel des produits dérivés, tous ces titres qui sont à l’origine de la crise, équivaudrait à l’équivalent de 14 fois le PIB mondial.
On pourrait imaginer le problème de calcul suivant : à partir de ces chiffres, calculer le montant nécessaire au plan de relance mondial. Comment faire redémarrer une économie qui est dans cet état. Si un des lecteurs de cet article a une idée qui fonctionne, écrire au journal qui transmettra !

Nous assistons depuis septembre dernier à la valse des milliards. Qui peut dire aujourd’hui à combien se monte la somme d’argent débloquée par les différends gouvernement pour empêcher le bateau financier de couler et eux avec ? D’un côté on nous dit, le 26/02, que la faillite des banques commerciales va coûter 1 milliards d’euros à la Banque centrale européenne et que cela sera réparti entre quatre banques centrales, bon ça fait pas beaucoup, puis on nous annonce que General Motors a dépassé les 30 milliards de pertes mais sans dire qui paie. Le Trésor américain investi 25 milliards de dollars dans la banque Citigroup après avoir fourni une aide de 45 milliards.

Le chef économiste de l’OCDE, organisme qui rassemble les pays dit développés, déclare dans Libération du 4 mars : « le pire des scénarios est en train de se matérialiser. La récession va atteindre -5 à -6 % dans les pays riches ». Fournir de tels chiffres, qui ne veulent plus rien dire à ceux dont les revenus oscillent entre 1000 et 2000 euros, n’a plus grand sens. Ils sont dépassés le jour suivant. Mais je ne résiste pas à partager avec le lecteur cette phrase d’un de nos économistes fort prisé ces temps, il nous dit : « il faut faire du degré d’inégalité acceptable l’objet d’une délibération publique annuelle par les Parlements »Le Monde du 02.03.09 !

Mais qui va faire l’addition finale ?

A cette bonne question, il y a une réponse facile. Les bons économistes, ceux là même qui trouvaient que les ouvriers gagnaient trop, qu’il fallait de façon urgente faire des réformes de structure, qu’il fallait être compétitif, eh bien, ceux là sont de retour après un très bref silence. Ils nous alertent quand au montant de la dette crée par toutes ces rustines financières. Et qui va payer la dette ? Bien sur ce sera nous, les petits, les sans grades, les bas de l’échelle comme ceux qui sont classés parmi les classes moyennes.
Au US, le montant du déficit était de 10 000 milliards de dollars avant que Mr YesIcan arrive au pouvoir. Pour 2009/2010 les économistes américains prévoient une dette équivalente à 60% du PIB qui est chiffré à 14.265 milliards de dollars. Ce nombre ne cadre pas avec le précédent. Par ailleurs Paul Krugman Prix Nobel d’économie, parle de « banques zombies qui ont toutes les chances de perdre des centaines de milliards dans les années qui viennent ». Ce qui démontre simplement par l’absurde que personne au fond n’est sûr des chiffres que certains brandissent en guise d’étendard. Sauf nous qui sommes sûr de savoir qui va payer.

Et les anarchistes là dedans ?

Après la fin du communisme, puis en 2001, l’irruption du désespoir du tiers monde incarné par ce qu’il a de pire, voilà le capitalisme qui krach et qui craque. Nous pouvons dire : nous avions raison ! Le capitalisme ne peut pas mener à autre chose qu’à la guerre, militaire ou sociale ou les deux. C’est d’ailleurs une éventualité que nous évacuons peut être un peu vite. Il faudra revenir sur cette guerre qui pourrait venir dans nos contrées tranquilles.

Se féliciter d’avoir vu clair peut être satisfaisant mais ce n’est pas suffisant. Que pouvons nous faire, que pouvons nous dire ? Le mouvement social de la Guadeloupe et particulièrement le manifeste des hautes nécessités dont le Monde Libertaire a publié il y a peu de temps des extraits est un exemple de ce qui est possible de proclamer. Nous avons une voix et une voie originales. Nous pouvons faire du suivisme syndical, réclamer comme les autres que les riches paient, que l’Etat nous prenne en charge. Nous pouvons aussi tenter de rompre avec le système. Il ne s’agit pas de prendre systématiquement le contre-pied. Il nous faut traquer les différentes formes que les pouvoirs prennent dans nos actions politiques.

D’une certaine façon, nous sommes prisonniers du siècle dernier, d’un siècle où les choses étaient plus tranchées. Pendant longtemps, il y a eu les oppresseurs et les opprimés. La révolution féministe a montré et ce fut souvent douloureux, que l’individu pouvait être à la fois l’un et l’autre. Beaucoup d’entre nous tirent leur revenu de l’Etat, qu’ils font vivre tout en le dénonçant. La majorité de nos compagnes et compagnons a reçu une formation académique d’Etat, inconnue chez les militants anarchistes jusqu’alors. Le conformisme culturel nous imprègne beaucoup plus que nous ne le pensons. Souvent la situation de dépendance dans laquelle nous évoluons, dépendance envers nos chefs, envers la Sécu, envers la société qui décide pour nous, imprègne notre relation avec l’organisation dans laquelle nous militons. Ni dieu, ni maître disons nous, mais nous aimerions bien que l’orga décide pour tout ses membres ce qu’il faut faire. Prendre de conscience de cette situation complexe pour indispensable que cela soit ne suffit pas. Dans le maelström que l’on nous promet et qui semble probable, nous devons résister, survivre et être visibles. Manifester pour dire la même chose que les autres, à quoi bon, participer aux grève, par solidarité, certes mais pas sans dire que c’est la plupart du temps pour le maintien d’un état des choses. Ecrire, diffuser, des textes qui dans la forme comme dans le fond ne sont pas autre chose que la reproduction de ce que l’on a désappris à l’école pourquoi ? La société que nous voulons est elle aussi triste que les tracts que nous distribuons ? L’absence d’artistes actifs, poètes, peintres, musiciens et autres dans nos rangs militants est elle due à notre désintérêt en la matière ?
Faire face aujourd’hui, pour un anarchiste ne va pas sans une remise à plat de notre façon de faire, d’être et de penser.